13 déc. 2007

Chapitre XIII

Alexis au réveil. Entre les doigts d’Aurore. Il n’a pas résisté à dix lignes de lecture. Une maxi dose pour lui.
— La preuve est donc faite, dit-il. J’ai été maraudé comme un cerisier. Fait aux pattes. Tant pis pour moi. Quittons l’hôtel. Rentrons à la maison.
— Et le réchauffement de la planète ?
— Vous avez raison. Le réchauffement, j’oubliais. Et le reste…
On frappe à la porte.
— Service d’étage.
— Le reste ! Quel reste ?
Nouveau vacarme contre la porte.
— Entrez, dit Aurore.
Assis dans les oreillers, ils préparent maintenant leur petit déjeuner. En Riant. En chantant.
— Regardez, dit Alexis. Je pose le plateau sur mon sexe. En équilibre.
— Ne vous faites pas mal.
— Le drap me protège. D’une pichenette le plateau tourne. Pendant que vous préparez les tartines, les brises de pain volettent. Les confitures vous font un visage charmant. Ce sera notre prière du matin.
« Mais, à propos de cette mort que vous avez cru reconnaître, dites-moi, vous qui êtes si maligne, lequel de nous deux partira le premier ? Qui pleurera en regardant la brosse à dents. En ouvrant la penderie ? Lequel de nous deux croira mourir lorsque l'autre s'en ira. Lorsque le médecin murmurera, c’est fini.
— Déjeunons, dit-elle.


Aurore, chaude caille, tendue jusqu’à la pointe des pieds, s’étire sur le lit.
— Vous venez de mourir, dit Alexis. Dans mon ciel, vous êtes la nouvelle à m’attendre. Cela vous va à merveille. Je marche seul maintenant. Votre nom jaillit dans mes larmes. Je tremble de solitude. Mais morte, vous me regardez plus intensément. Vous me fortifiez. Voici que vous avez rejoint toutes mes disparues. Vous êtes là-haut. Autour, en bas. En cortège souple et délicat, très fleuri. Je vous respire, je vous entends. Pour un peu, je communiquerais avec vous par les tables tournantes. Vous m'inspirez.
— J’ai horreur de ce jeu, dit-elle. Et vous m’avez condamnée alors que vous serez peut-être le premier à partir.
— Vous voyez, ça marche.
— Assez ! Epargnez-moi ! De qui parlez-vous, en réalité ? Cette femme retrouvée vous obsède-t-elle à ce point ?
— Je débande, dit Alexis. Retenez le plateau. Je ne parlerai plus de la mort ce matin. Je vous le jure.


Le petit déjeuner avalé, Aurore reprend le livre. Elle arrache les pages qui ne l’intéressent plus. Les chiffonne et les lance. Elles roulent vers la fenêtre.
— Pendant que vous dormiez, j’ai tout lu. Le héros de votre supposé fils a rencontré une dondon mariée, lors d’une promenade archéologique près de Naples. Une autobiographie d’enfant de chœur. Son écriture ne correspond pas à la vôtre.
« Vous parlez d’amour, de littérature. De tourments. Lui, s’empêtre dans les aventures faciles. Les télégrammes. La vie qu’il découpe en rondelles. Les cartes postales. Tout ce que vous détestez.
Alexis, en effet, se méfie des confidences ainsi exposées. Glissées sous les portes. A la rigueur, il accepterait celles que l'on tartine de foutre et de larmes. Les trames parfumées imprégnées de traces, de manipulations, de baisers. Avec des dessins. Du rouge à lèvres.
— A ce stade, on jouit aussi bien par téléphone. Demandez aux standardistes.
— Vous avez l’esprit trop délié pour ces remarques de potache, dit-elle, en entrant dans le bain.

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